Ernest et Célestine : Un voyage à Gibberitia Revue : Douce suite
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Ernest et Célestine : Un voyage à Gibberitia Revue : Douce suite

Jul 09, 2023

Une foule d'ours se rassemble autour d'un piano. Un musicien solitaire est assis sur son banc, claquant sérieusement ses doigts en prévision de ce qui va arriver. Le concert commence ; c'est une performance musicale terne exécutée sur une seule touche de piano. Lorsque le bruit cesse, les spectateurs applaudissent.

Dans Ernest & Celestine : A Trip to Gibberitia, la scène curieuse décrite ci-dessus (qui, certes, ressemble à une énigme abrutissante) est en réalité un portrait saisissant de la vie sous un régime autoritaire. Au début de cette suite d'Ernest et Célestine, le long métrage d'animation salué en 2012 par les réalisateurs Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier, Célestine (Pauline Brunner) a accidentellement cassé le violon « Stradibearius » bien-aimé d'Ernest (Lambert Wilson). Cet accident incite l'adorable duo souris et ours à se lancer dans une expédition pleine d'action dans le pays d'Ernest, Gibbertia, qui abrite le seul luthier capable de réparer l'instrument. Les deux hommes arrivent sur le territoire mystérieux à la recherche de l'artisan, mais sont plutôt choqués d'apprendre que toutes les formes de musique ont été criminalisées à Gibbertia. Un pays autrefois reconnu dans le monde entier pour son talent musical phénoménal est désormais devenu intolérant même aux douces mélodies des oiseaux gazouillant dans la lumière du matin. Face à une « police musicale » de sbires, à un dysfonctionnement familial et à un gouvernement qui refuse d'abandonner ses anciennes habitudes, Ernest et Célestine doivent exploiter les pouvoirs du non-conformisme et de l'amitié pour remettre en question le statu quo.

Comme toute œuvre pour enfants digne de ce nom, Ernest & Celestine : A Trip to Gibberitia est motivé par quelque chose de plus profond que le besoin de rires ou de spectacles superficiels : le désir d'inspirer son jeune public à poursuivre ses passions et à s'opposer aux autorités qui menacent sa liberté d'expression. et l'individualité. S'inscrivant dans l'esprit de films comme Mon Oncle et Brazil, Gibberitia utilise l'absurdité situationnelle pour souligner l'absurdité des règles poussées à l'extrême. On voit parfois la police musicale auto-identifiée de Gibberitia arroser les oiseaux chanteurs, harceler les musiciens de rue et escalader les côtés des bâtiments pour saisir des accessoires illégaux (un dangereux accordéon). De même, des pancartes avec des notes de musique barrées et des devises indiquant « C'est comme ça » soulignent la peur des États autoritaires et à quel point les règles bizarres des dictateurs peuvent être illogiques. Après tout, le pays tire son nom du mot « charabia ».

Ce qui est particulièrement rafraîchissant dans l'arc moral d'Ernest & Celestine : A Trip to Gibberitia, c'est que ses protagonistes ne se battent pas nécessairement contre un méchant singulier, mais plutôt contre des problèmes systémiques profondément enracinés qui suppriment les libertés de tous les Gibbertiens. Le film montre comment une règle qui oblige les enfants à suivre la profession de leurs parents est étroitement liée à l'interdiction par Gibberitia de toute musique autre qu'une seule note, transmettant l'idée que certaines lois ne sont pas toujours dans le meilleur intérêt de l'humanité et qu'il faut la capacité d’apporter un changement sociopolitique tangible pour des causes qui leur tiennent profondément à cœur. Gibberitia insiste sur l'idée que nous ne devrions pas prendre les choses au pied de la lettre. « C'est comme ça » n'est tout simplement pas suffisant lorsqu'il existe des menaces à notre liberté/créativité.

L'esprit rebelle de A Trip to Gibberitia est en outre communiqué par des dispositifs non narratifs tels que sa partition musicale colorée. Composé et orchestré par Vincent Courtois, le paysage sonore non diégétique de Gibberitia est coloré par de riches influences du ska balkanique et des danses de mariage roumaines. Le son optimiste des nombreuses séquences de poursuite du film crée une expérience joyeuse, dans laquelle la rébellion – pour une juste cause – n'est pas seulement quelque chose à célébrer, mais quelque chose qui semble intrinsèquement humain.

Cependant, tout aussi importants que lorsque des thèmes musicaux dynamiques remplissent le cadre, sont les moments où la partition est absente et où les réalisateurs Jean-Christophe Roger et Julien Chheng laissent l'animation parler d'elle-même. Un moment de tranquillité auditive se produit lorsque Ernest et Célestine se rendent à Gibberitia. Ernest est en colère contre Célestine pour avoir incité à son retour dans le pays qu'il a abandonné, mais quand elle se détourne pour se reposer, le grizzli grincheux ne peut s'empêcher de couvrir la souris endormie pour la protéger de la neige froide juste devant leur fenêtre. Là où certains cinéastes pourraient être enclins à accompagner des scènes tendres comme celle-ci d’une musique chargée d’émotion, on n’entend qu’à l’extérieur le léger bruissement de la neige.